En tant que dirigeant d’entreprises puis conseiller en développement de petites et moyennes entreprises, comme bien d’autres managers, je me suis posé la question de savoir pourquoi certains employés fournissent juste le travail qu’on leur demande et que d’autres, pour le même salaire, donnent le meilleur d’eux-mêmes ? J’ai longtemps cherché la réponse. Y compris dans des formations aux prix exorbitants et dont la première partie servait à définir les mots et les concepts pour pouvoir comprendre la deuxième partie de la formation.
Comme à mon habitude, je voulais trouver quelque chose de simple et qui marche. La lumière est venue dans un cocktail d’une chambre syndicale patronale. Alors que je passais à proximité d’un groupe de dirigeants qui échangeaient leurs opinions, J’ai capté cette phrase « La différence fondamentale entre l’entreprise qui échoue et l’entreprise qui réussit, c’est l’état d’esprit qui y règne. » Instantanément je me suis dit : voilà la solution ! C’est ça la réponse : l’Esprit !
Il fallait donc trouver comment analyser, codifier, enseigner et donc utiliser efficacement cette idée. Après quelques tâtonnements intellectuels, je me suis dit que la première des choses était de définir l’esprit en relation avec le monde de l’entreprise. Définir l’esprit, intrinsèquement, n’est pas chose facile. Cependant on peut tenter d’en analyser ses aptitudes fondamentales
La première attitude est celle de pouvoir regarder les choses immatérielles. C’est-à-dire regarder avec l’œil de l’esprit et non pas ceux du corps. Le mot le plus adapté pour décrire cette aptitude est le mot considérer, dans le sens : Peser quelques choses, l’apprécier, le prendre en compte. C’est cette aptitude qui nous permet de considérer des concepts totalement immatériels et en particulier la liberté. Beaucoup de philosophes considèrent que le goût extrême de l’être humain pour la liberté est ce qui nous différencie fondamentalement des animaux. On peut en effet domestiquer des animaux mais on ne peut pas mettre l’homme en esclavage car, tôt ou tard, il se révolte de façon plus ou moins violente. Dans une économie saine la liberté fait effectivement partie du monde de l’entreprise. C’est la liberté d’entreprendre, la liberté de choisir son métier et la liberté de vendre son travail à qui l’on veut.
Mais l’aptitude à considérer est aussi présente dans toutes les entreprises dans la mesure où elle est à la base de toutes les connaissances pour réaliser toujours bien et toujours mieux le travail. Sans considération il n’y a en effet aucune science. Pour le comprendre prenons notre ami Newton qui se promène dans son verger. Avec ses yeux biologiques, il voit la chute d’une pomme. Cela aurait pu l’amener à considérer la pourriture à venir de la pomme si elle n’était pas ramassée rapidement ; ou encore, considérer les talents de sa tante Agathe qui sait si bien faire les tartes aux pommes, ou tout autres concepts perceptibles uniquement par l’esprit. Pour finir celui qu’il considère est l’attraction qui existe entre la petite masse que constitue une pomme et la très grosse masse que constitue la planète. Et à l’aide de tout un tas d’autres considération sur le temps, l’espace, la vitesse, la matière il va, avec le langage mathématique, formaliser les lois de l’attraction universelle qui, deux siècles plus tard aller permettre à des entreprises d’envoyer des fusées dans l’espace. Toute science, tout art, ne sont que considérations organisées logiquement pour formaliser les lois de l’univers dans lequel nous vivons et qui débouchent sur des applications pratiques.
L’aptitude à considérer est également indispensable dans l’entreprise pour accorder ou non de l’importance aux situations et ou aux personnes. Tout aussi immatérielle que l’importance, La responsabilité est elle aussi indispensable pour l’organisation du travail.
Enfin pour finir, c’est l’esprit qui regarde les objectifs. Il n’y a pas plus immatériels que des objectifs puisqu’ils n’existent que dans le futur. Il est donc tout à fait impossible de les observer objectivement. On ne peut donc les considérer que par l’esprit.
Considérer, autrement dit, regarder des éléments immatériels, est donc la première caractéristique de l’esprit en entreprise.
La deuxième caractéristique est tout aussi immatérielle que la première ; c’est l’aptitude à faire des choix. Un choix bâti à partir de ce qui peut être observé objectivement dans son milieu et ce que l’esprit peut considérer subjectivement. Le choix dans l’entreprise débouche sur ce qui s’appelle des stratégies. Tout comme une considération, un choix, une stratégique constitue des éléments parfaitement immatériels. Le pouvoir de choix est l’aptitude qui suit logiquement l’aptitude à considérer : C’est parce que l’on considère que l’on peut faire des choix.
Le choix mène tout à fait logiquement à la troisième caractéristique de l’esprit : le pouvoir de décision. La décision, de ne pas agir ou, au contraire, d’agir dans un sens ou dans un autre. Tout comme la considération et le choix, la décision est quelque chose de parfaitement immatérielle. Une décision est instantanée et elle peut durer indéfiniment. Elle est aussi immatérielle qu’intemporelle. Elle ne peut être détruite que par une autre décision. Elle est donc, en quelque sorte, le produit final de l’activité de l’esprit. C’est elle qui va mettre en route le corps pour, soit, ne pas agir, soit agir sur l’univers matériel et vivant qui nous entoure. Autrement dit, dans l’entreprise, ne pas travailler ou travailler, dans un sens ou dans un autre.
Le travail ou son contraire, l’inaction, sont donc toujours précédés d’une décision qui, elle-même, découle d’un choix qui s’appuie sur des considérations.
Il est certain qu’il y a beaucoup d’autres choses à dire sur l’esprit. Par exemple, puisque sa caractéristique principale est de pouvoir considérer des choses immatérielles, l’esprit lui-même est-il immatériel ? Est-il immortel ? Ce sont là des questions très intéressantes mais qui n’ont pas leur place en entreprise. Il est donc préférable de les laisser aux philosophes, religieux ou non.
Dans l’entreprise on peut se contenter de prendre en compte, ces trois aptitudes qui caractérisent donc l’esprit : considérer, choisir, décider. Pour une raison majeure ! Elles constituent le moteur des initiatives ! Si une machine peut obéir à un programme informatique, si complexe soit-il, elle ne prendra jamais d’initiative. Seul l’être humain en est capable. Tout simplement parce qu’il est un esprit qui peut considérer, choisir et décider. C’est ce qui lui confère l’aptitude la plus fondamentale qui le différencie des animaux : l’aptitude à créer ! Créer de nouvelles idées, certes mais aussi de nouveaux outils, constructions, machines, marchandises, œuvre d’art etc… .
Pour bien comprendre la puissance de création de l’esprit humain prenez deux minutes pour regarder ce livre ou cet ordinateur sur lequel vous me lisez. Regarder la table sur lesquels ils reposent, regardez la chaise sur laquelle vous êtes assis, les murs, les fenêtres, le sol, le tableau accroché au mur de la pièce dans laquelle vous êtes. Et dites-vous bien que toutes ces choses, avant de faire partie de l’univers matériel, ont existées dans l’esprit des hommes ou des femmes qui les ont conçues. Ensuite, ils ont choisi et décidé de les fabriquer pour qu’ils apparaissent dans l’univers matériel. Assurément, l’Être humain, par son esprit, est la créature la plus créatrice de l’univers.
Donc si, cadres ou dirigeants cessent de considérer le personnel uniquement comme des unités de production mais lui accorde aussi qu’il est un esprit pensant, le travail a toutes les chances de bien se passer. Tout simplement parce qu’il est beaucoup plus facile de manager des êtres humains en tant que tel et non comme des machines et qu’il est bien plus motivant de produire un travail pour un être humain que se sent respecter en tant que tel.
Alors, oui, comme beaucoup de dirigeants ou de cadres le pensent et comme je l’ai écrit, le personnel est le moteur à cylindrée variable de l’entreprise. Il fallait donc découvrir ce qui rendait variable cette cylindrée. La réponse est l’esprit de l’homme. Esprit individuel qui, en groupe, permet de créer un état d’esprit remarquable ; ou détestable selon le degré auquel on accorde aux individus d’être capables de considérer, choisir et décider. Une fois qu’on a accordé ainsi au personnel qu’ils sont des êtres pensants, il faut s’empresser d’arrêter ce vers quoi diriger l’esprit de l’homme au travail.
Eh bien, tout simplement vers les valeurs propres à toutes les entreprises. La toute première est la rentabilité puisque l’objectif fondamental d’une entreprise est de créer des richesses. Il va de soi qu’on ne peut pas faire de tous les employés des contrôleurs de gestion. Cependant, dans la mesure où la rentabilité est l’expression chiffrée de la qualité, il est très facile d’associer le personnel dans son ensemble à un contrôle de qualité. Et ceci à tous les niveaux de l’entreprise.
En agissant ainsi les dirigeants et cadres rendent à l’Homme sa dimension spirituelle. En effet La qualité est indissociable de la notion de considération, de choix et de décision. On détruit une production plutôt que la mettre sur le marché parce le responsable de la qualité a considéré que le degré de finition ou d’exigence n’était pas atteint. Pour que ce genre d’extrémité n’arrive jamais, un Contrôle Qualité, simple et bien organisé doit permette à tous les membres du personnel, de considérer, sur leur poste, les situations le mieux possible au regard des intérêts de l’entreprise et ainsi faire les bons choix et prendre les bonnes décisions pour réaliser un travail le mieux possible.
Mettre en place un contrôle qualité simple et efficace ne nécessite que quelques outils, bien connus des entreprises qui réussissent. En tout premier lieu, il faut distribuer les responsabilités à travers un Tableau des tâches et des fonctions. Grâce à lui, il est alors possible d’établir et de distribuer des postes de travail bien définis, de préférence sur des fiches de postes claires et utilisables. On peut alors rédiger des Procédures Réglementaires qui indiquent les rôles et donc les responsabilités de chacun à travers les processus administratifs et techniques de l’entreprise.
Les formations sur le métier et les techniques annexes permettent de considérer le travail sous des angles nouveaux et performants. En cela elles vont valoriser le personnel en nourrissant positivement ses considérations. De plus elles renforcent le savoir-faire de l’entreprise. Les formations en internes sont également très importantes. Elles permettent aux seniors de transmettre leur savoir-faire de l’entreprise aux juniors en leur accordant ainsi de l’importance. Ce qui est beaucoup plus valorisant que l’attitude stupide qui consiste à les diminuer pour leur inexpérience. Ces formations en interne sont très facilement réalisables à travers des Programmes de formation individuels pour tous les secteurs de l’entreprise. Ils permettent aux seniors d’assumer pleinement leur rôle de tuteur. Cela valorisera leur esprit et maintiendra à un haut niveau le savoir-faire de l’entreprise
Une distribution claire des responsabilités et la formation constante sont donc d’excellents moyens de nourrir l’esprit de tous afin de prendre les meilleures initiatives dans le cadre des responsabilité allouées à chacun.
Puisque qualité et rentabilité vont de paire, il faut aussi diriger l’esprit du personnel sur le jeu économique. C’est-à-dire la création de richesse ou parfois, de perte de richesse. Pour cela il faut mesurer la rentabilité en permanence et communiquer à son sujet. Les premiers outils à cet effet sont La ou les Procédures Réglementaires qui décrivent le processus de production de l’entreprise. Elles doivent prévoir des Enregistrements de Production en continu. Ils portent sur les quantités de marchandises et d’heures pour assurer la production. Ces enregistrements sont indispensables, d’une part, pour mesurer la rentabilité de la production en temps réel et, d’autre part, pour impliquer le personnel dans le processus économique qui peut est ainsi être mesuré grâce à lui.
Le service qualité doit aussi être pourvus d’un système d’Enregistrement des incidents à l’origine des pertes de matières premières, de marchandises ou de temps. Cela permet de détecter les dysfonctionnements techniques et humains et ainsi d’investiguer pour déterminer l’origine des mauvais choix et mauvaises décisions. Il est alors possible de mettre des solutions en place en vue de les résoudre. La formation sera, dans quatre-vingts pour cent des cas, la solution.
Il faut faire attention à compenser l’aspect correctif de l’analyse des incidents par un système de valorisation. Dans la mesure où la rentabilité est mesurée en permanence par des Dossiers de Production, ou des Analyse de Période de Vente pour les commerçants, il sera très facile d’applaudir les hautes performances en valorisant celles et ceux qui en sont à l’origine. L’autre outil indispensable sont les Enquêtes de satisfaction. Leur dépouillement permet de trouver la matière pour nourrir ces considérations remarquables pour l’esprit que sont la satisfaction et la fierté du travail bien fait.
En plus des Dossiers de Production ou des Analyses de Période vente, l’outil qui permettra de mettre en place une communication saine au sujet de la rentabilité est un simple Tableau de Bord graphique. Il doit pouvoir positionner la courbe du chiffre d’affaire cumulé par rapport à la courbe du chiffre d’affaire cumulé de rentabilité. Si la première courbe est au-dessus de la première, on voit instantanément si l’entreprise est en situation bénéficiaire ou, en cas contraire, en situation déficitaire. Dans la mesure où ce graphique fait l’objet d’une publication régulière, tout le monde peut connaitre la plus ou moins mauvaise ou bonne condition de l’entreprise.
Dans la mesure où la publication de ce graphique est accompagnée d’un Intéressement au-dessus d’un certain seuil de bénéfice et avec un Calcul sans aucun risque pour la santé financière de l’entreprise, il devient un outil remarquable puissant car parfaitement respectueux des trois piliers de l’entreprise que sont a) les êtres humains qui la font tourner, b) un savoir-faire sans cesse optimisé et c) la création de richesses. C’est ainsi qu’on aligne toutes les énergies de l’entreprise dans le même sens pour atteindre des résultats remarquables pour tous.
Tout ce qui précède ne sont pas de simples points de vue. C’est une réalité que j’ai pu observer dans les entreprises ou je suis intervenu pour mettre en tout ou partie des outils mentionnés ci-dessus écrits en Lettres Grasses. Ils font s’envoler les bénéfices dans la même proportion que disparaissent le stress du dirigeants et les tensions avec le personnel. Dans ces entreprises, il fait bon vivre pour les dirigeants, les actionnaires, les cadres et le personnel. Parce que l’état d’esprit y est excellent !
Angers le 11 /11 / 2018